PROTO THEMA : "Patrick Maisonnave : l’aide exceptionnelle ne suffit pas" [el]

L’Europe tout entière s’est ému des images terribles du camp de Moria en proie aux flammes. Des milliers de demandeurs d’asile jetés dans le besoin le plus extrême d’un toit, d’un lieu sûr. La réaction du gouvernement grec fut rapide et efficace, aidée par des acteurs internationaux et de nombreux pays européens. Comme d’autres, la France a envoyé une aide matérielle d’urgence, des structures médicales pérennes ; elle est en train de relocaliser près d’un millier des demandeurs d’asile vers la France. Il faut aider la Grèce, qui fait un effort considérable pour accueillir les migrants dans la dignité.

L’afflux de migrants aux portes de l’Europe ne s’arrêtera pas. Les crises, de nature politique ou économique, et le changement climatique pousseront davantage de migrants vers l’Europe, et parmi ces migrants, nombreux sont ceux qui demanderont l’asile. C’est pourquoi, au-delà du traitement des situations d’urgence, les Européens doivent réformer en profondeur les conditions dans lesquelles ces migrants doivent être accueillis. L’actuel règlement de Dublin a montré ses limites et s’est révélé à la fois injuste et inefficace. Injuste, car il fait peser l’essentiel de la responsabilité de la gestion des flux de nouveaux arrivants en Europe sur les pays méditerranéens, dont la Grèce. Inefficace, car les migrants continuent d’affluer vers les pays de destination finale. Sur 135 000 demandeurs d’asile en France en 2019, 35 000 sont passés par un autre pays européen : nous devons prévenir ces mouvements secondaires. Il n’y a pas de système parfait, mais nous devons trouver un équilibre plus juste entre responsabilité et solidarité. Responsabilité pour le contrôle des frontières extérieures, la lutte contre les passeurs et contre l’immigration irrégulière. Responsabilité aussi, pour reconduire dans leurs pays d’origine, chaque fois que c’est possible, les migrants qui ne sont pas éligibles au droit d’asile, grâce à un dialogue exigeant avec les pays de départ et de transit. Mais solidarité aussi, pour un traitement des demandes d’asile plus rapide et des moyens supplémentaires pour améliorer l’intégration des migrants qui obtiennent l’asile. Enfin et surtout, nous ne pouvons pas accepter que certains Etats européens refusent de participer à l’effort commun. Tous les pays de l’Union doivent prendre leur juste part de l’accueil des réfugiés.

La Commission européenne a présenté de nouvelles propositions le 23 septembre pour réformer les règles européennes et proposer une harmonisation des règles nationales. La présidente von der Leyen et le commissaire Schinas ont fait une proposition sérieuse, fondée sur un meilleur partage des responsabilités du traitement des demandes, des procédures accélérées pour la reconduite de ceux qui ne sont pas éligibles à l’asile et un mécanisme de solidarité obligatoire en cas de crise. Il est urgent que les discussions commencent. Tout retard supplémentaire alimente les discours démagogiques, populistes et nationalistes. Les pays méditerranéens, plus exposés, envoient des signaux d’alarme et des appels à la solidarité dans l’urgence comme dans la durée. Il faut agir, et il faut agir vite. Certains estiment que l’accord est impossible. Je ne le crois pas. On disait il y a quelques semaines encore que le fonds de relance économique, en réponse aux conséquences de la crise sanitaire, était impossible. Or, les Européens se sont mis d’accord. Sur un sujet non moins essentiel, je suis convaincu qu’un accord sur l’asile et sur les migrations est possible. Responsabilité, solidarité, humanité : nous sommes au cœur des valeurs de la construction européenne !